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Une vie de Bridget
26 février 2022

Des nouvelles de moi

Salut à tous et toutes,

Je vous ai peu écrit ces derniers mois, et pour cause. J'ai trouvé l'amour et je vis en couple depuis un an déjà. Tout se passe pour le mieux, disons avec notre histoire à chacun, mais surtout dans un contexte on ne peut plus complexe. 

C'est cela que je vais surtout évoquer dans cet article, et cela n'a rien à voir avec le célibat ou le couple. Je fais exception, et je vais vous parler de moi, et de ma santé. Âmes sensibles, ou non intéressées, vous pouvez décliner.

Voilà, j'ai appris fin octobre 2021 que je suis atteinte d'un cancer du sein, et pas des moindres : un "triple négatif". En gros, je suis une "triplette", comme ces femmes qui, durant octobre rose dernier, se sont mobilisées pour que le gouvernement autorise certains traitements destinés à soulager quelque peu les patientes atteintes de cette forme de cancer particulièrement agressive, récidiviste et récalcitrante. Et oui, comme je ne fais jamais les choses à moitié, et bien je suis atteinte d'une version originale et  bien vilaine de ce p*** de crabe, et depuis le 25 octobre 2021 précisément, ma vie entière a basculé.

Aujourd'hui, je ne travaille plus. Je m'occupe de moi la plupart du temps : séances de chimiothérapie, soins bien-être, rendez-vous médicaux, meublent mon quotidien. J'arrive à voir quelques amis de temps à autre, à pédaler 30 minutes une fois par mois, et à marcher 15 minutes au pas (mais pas trop et pas beaucoup plus). Plus concrètement, ces temps-ci, je mets 1 h à avaler une portion de pizza car j'ai la bouche pleine d'aphtes, je m'étouffe d'essoufflement après avoir monté les 8 marches de mon escalier, je ressens des picotements et des brûlures dans les jambes et sur le dos, surtout la nuit quand je me tourne dans mon lit (sinon c'est pas rigolo !). Je ne peux plus éplucher un fruit tellement j'ai mal aux ongles, et j'ai toujours les yeux qui pleurent car je perds mes cils et sourcils. Mais sinon...je ne pleure pas !

Côté positif des choses? j'ai appris (encore plus !) ce qui est bon ou mauvais pour mon corps, pour ma santé. Je ne consomme plus de parfums, maquillage, et autres cosmétiques. Seuls quelques uns me sont autorisés, sélectionnés sur le volet, et j'ai (encore plus !) pris conscience du mal que l'on peut se faire au fil des années avec toutes ces m*** chimiques, industrielles, que l'on avale, tartine, étale et saupoudre.

Je suis suivie dans un institut privé, associatif, financé par des dons et mécènes de renom sur Marseille : l'institut Paoli Calmette. Ils sont à la pointe, ils sont les meilleurs. C'est déjà ça... je connais tous les médicaments, les traitements, les protocoles qui soient en termes de cancer mais pas que ! En quelques mois, j'ai aussi appris tout un tas de choses, médicalement parlant, je me suis scientifiquement enrichie, mais j'ai aussi pris l'habitude de vivre à mon rythme. Quasiment plus de réveil matin, si ce n'est pour aller chez le kiné, et quelques journées canapé-Netflix pour me détendre. Je me suis même mise au coloriage... !

En plus de séances, ateliers et rendez-vous individuels au "Centre Ressource" à Aix en Provence, où l'on prend soin des femmes comme moi en leur procurant du bien-être et du soutien. Rien que ça ! Alors j'ai eu droit à 3 séances de réflexologie plantaire, 2 massages, et une séance de médecine chinoise, et je vois régulièrement aussi une ostéopathe, une sophrologue, une psychologue et...ces femmes comme moi. Je pratique le yoga, la méditation, le stretching en groupes, avec celles qui, comme moi, ont la jambe frétillante et un bandana sur le crâne. 

Et oui...Je n'ai plus de cheveux. Ca faisait partie de ce que j'appréhendais le plus, avec le début de la chimiothérapie et chacune des séances d' "E.C." que l'on m'infligeait. Un jour, je me suis trouvée sous la douche et des touffes de cheveux me sont restées dans la main... heureusement que je m'y attendais. Malgré cela, c'est toujours assez choquant (même si ça ne l'est pas plus que l'annonce du cancer elle-même !). Alors je suis allée chez la coiffeuse, j'ai tout rasé et j'ai accepté de ressembler au monstre de Roswell. Sauf que ce monstre, en fait, c'est pas un monstre : c'est juste moi, provisoirement. Et le provisoirement prend tout son sens dans la gestion de toutes ces émotions et situations de mon nouveau quotidien.

J'ai une vie bizarre... Je me sens comme anesthésiée, et en décalage complet par rapport aux autres... mais c'est provisoire.

J'ai une apparence bizarre... pour ne pas dire horrible...entre ma "chauvitude", ma sécheresse de peau, mes cernes et tout le bordel encore... mais c'est provisoire.

Je ne suis pas moi-même... je suis en quête de moi-même en fait... et c'est provisoire aussi. Il paraît qu'à la fin de cette épreuve, je me trouverai !

Je roule en taxi... ça aussi, c'est provisoire, profitons-en !

J'ai découvert un monde nouveau. Les gens y sont généralement sympa, quand ils ne sont pas des robots (c'est rare) ou qu'ils ne vous regardent pas avec pitié (c'est assez rare aussi !). Je ne sais pas trop qui je suis, où je vais, ce qui va m'arriver. Mais étrangement, je m'en fous. En fait, c'est moi le robot (D'ailleurs, j'ai une prise au niveau de la clavicule, sur laquelle on me "branche" à chaque séance : ça s'appelle un PAC, ou "port-à-cath"). Je suis en mode "je fais ce que j'ai à faire", et je ne me pose aucune question. Je ne pense pas, ne réfléchis pas, n'interroge pas, si ce n'est pour savoir ce que sont ces foutus produits et médocs que l'on m'injecte et me prescrit (si je dois mourir bientôt, j'aimerais que ça m'arrive en étant moins con...). Plus honnêtement parlant, la mort, je n'y pense pas. J'y ai pensé au tout début. Et elle rôde autour de moi. Forcément. Mais je me dis que ça m'arrivera...comme ça doit arriver à tout le monde. Enfin, peut-être que, au vu de mon âge et de ma situation, ça m'arrivera plus tôt. Mais au fond, ce qui me booste aujourd'hui, c'est de penser au jour où je reprendrai une vie normale : avec des cheveux sur la tête et des fossettes moins pâles, un réveil qui sonne tôt le matin, du monde qui me sollicite toute la journée (parce que c'est mon job d'être sollicitée) et de vraies séances de sport pour me défouler. Entre autres...

Je me projette dans une vie normale, qui ne serait pour autant pas un "retour" à la normale... car rien ne sera jamais plus normal après cela. Parce que j'aurai toujours cette épée de Damoclès sur la tête..parce que j'aurai 5 ans de surveillance accrue, pour dépister et gérer rapidement toute éventuelle rechute...parce que même 5 ans après, la rechute sera possible. Si j'ai eu un cancer à 47 ans, je me dis que c'est mal barré pour "la vie est un long fleuve tranquille" désormais. Mal barré surtout pour qu'il soit "long". Mais c'est ainsi. Ou pas. Peut-être qu'il me reste 1 an, 2 ans, 10 ans, ou trente. Ca va changer quoi d'y penser? 

Dans mon monde, il n'y a pas d'angoisse ni de plainte. Il n'y a pas d'hier ni de demain. Il y a juste des "aujourd'hui". Aujourd'hui je me lève et je vais me faire masser. Aujourd'hui, je vais me faire injecter du taxol pendant 2h. Aujourd'hui, je cuisine un petit plat pour mon chéri et moi... mais finalement c'est mon chéri qui en mangera les trois quarts car moi, j'ai un goût de métal dans la bouche et des p*** de douleurs aux dents, qui font que je n'apprécie plus ce que je mange. Mais j'apprécie de manger qch de cuisiné avec et pour lui. 

Mon entourage me trouve courageuse. Une thérapeute m'a qualifiée de "force de la nature". Je crois que je ne gère pas trop mal cette chimiothérapie, et la perspective de me faire enlever un, voire deux,  sein(s) dans trois mois. Je suis juste résignée : je fais ce que j'ai à faire, j'accepte, et je gère les situations au coup par coup. 

Et c'est là que prend sens tout le travail fait jusqu'ici : que ce soit la concoction de mon capital santé, comme ce travail en développement personnel et en résilience réalisés au fil des années. Heureusement que je n'ai jamais bu ni fumé, et que j'ai toujours fait attention à ce que je consommais. Heureusement que j'ai toujours mené une vie saine, et pratiqué du sport. Parce que aujourd'hui, certes je me coltine quand même un cancer MAIS...je supporte mieux les traitements que la plupart des femmes dans mon cas.

Bon... il y en a qui les supportent mieux que moi aussi. Les plus jeunes, surtout... parce que ce n'est quand même pas une partie de plaisir !

Ma vie et mon monde ont changé, ma conception et ma vision des choses aussi. J'ai juste envie de vivre chaque jour, sans trop penser au lendemain, tout en faisant des projets, à court terme surtout, à moyen terme parfois.. parce que ce sont les objectifs qui nous aident à tenir (projets de voyages par exemple !).

Mon entourage aussi, change. Certains n'osent plus se plaindre. Quand ils s'entendent râler... ils me regardent et oups ! soudain, je n'entends plus rien... Mes amis en viennent parfois à culpabiliser de se dire fatigués... et les copines, elles, semblent apprécier de devoir se coiffer pendant 1h le matin et s'épiler tous les 15 jours minimum...pendant que moi, j'ai mis sèche-cheveux et épilateur au placard, et me couvre de foulards que j'enroule sur ma tête et qui, plusieurs fois par jour, se détachent à cause du masque anti-covid qui m'oblige à bouger le bordel régulièrement. 

Parce que sans le COVID au milieu, ce serait encore trop simple !!! Le COVID lui aussi rôde autour de moi. Tout mon entourage l'a eu. Et moi j'ai quand même un peu flippé de l'attraper aussi. Mais rien. Que dalle... Niente ! Le COVID n'a pas voulu de moi. Je ne l'ai jamais attrapé, enfin je crois. 

Après tout, j'ai développé un cancer, ça suffit... non? 

Voilà les ami(e)s, où j'en suis. J'espère ne pas vous avoir cassé le moral. D'autant que le mien est bon. Je m'en sortirai parce que ça ne peut pas être autrement. Ou bien je passerai ces 10 prochaines années à lutter contre cette foutue maladie, mais je serai quand même là, le temps qu'il faudra. Le temps que l'univers voudra bien me laisser. Chacun son destin, son histoire, son vécu... et je reste persuadée, comme je l'ai toujours pensé, que rien n'arrive par hasard, et que cette expérience prendra forcément sens à un moment ou un autre.

En attendant... et bien je vis ce que je dois vivre, et j'en tire des enseignements autant que possible.

Prenez soin de vous.

 

therapies-ciblees-cancer-du-sein-triple-negatif

 

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Commentaires
C
chérie je suis tres fiere de toi t es une warrior! et ton copain est resté avec toi super preuve d amour
Répondre
E
Bonjour Bridjet,<br /> <br /> <br /> <br /> Je te lisais souvent, j'admirais beaucoup ta vision des choses, ton optimiste et parfois ton découragement. Aujourd'hui je te souhaite tout le courage nécessaire, je sais qu'il en faut..oui il y a une vie avant le cancer et une vie après...<br /> <br /> cordialement
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Une vie de Bridget
  • Bridget, ce n'est pas mon prénom... Une Bridget, c'est une Pôôôvre trente/quarantenaire célibataire sans enfant... En galère avec les hommes (...). Panorama de mes expériences, réflexions, et de mes plus honteuses bêtises...--> c'est par ici !
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